AGI - Soutenir le développement en Afrique à partir de l'entrepreneuriat local, grâce aux outils et aux ressources des organisations de coopération internationale. C'est le modèle promu par "Investo in Senegal", un événement organisé par l'Ong Amref dans le cadre de Codeway, le salon des affaires et de la coopération internationale qui se tient actuellement à Rome. "Il s'agit d'un modèle reproductible, testé et développé au Sénégal, avec une première phase de projet basée sur la participation des communautés locales et de la diaspora, qui part des priorités exprimées par les acteurs africains et valorise les ressources du continent", explique Paola Crestani, présidente d'Amref Health Africa-Italia. L'Ong se propose comme partenaire stratégique des entreprises italiennes intéressées à investir en Afrique. Lors d’un panel qui a réuni des représentants d'institutions, du monde des affaires, de la coopération et des diasporas africaines, Amref a illustré un modèle qui allie croissance économique, impact social et connaissance approfondie des territoires. Le projet senegalais s’inscrit dans la stratégie d’Amref visant à s’établir comme un partenaire fiable et stratégique pour toutes les entreprises italiennes intéressées par l’Afrique, dans la conviction que le développement et l’impact social peuvent et doivent aller de pair.
Parmi les objectifs de fond du panel, la volonté de relier le Plan Mattei et les politiques de coopération italiennes à la réalité concrète des territoires africains, sublimant le concept “d’aide” dans la construction de relations économiques et sociales fondées sur la réciprocité, dans une perspective de co-développement durable et inclusif. Selon Letizia Pizzi, directrice générale de Confindustria Assafrica & Mediterraneo, “le secteur privé et les Ong ont suivi des chemins parallèles ces dernières années, sans toutefois se croiser. Le Plan Mattei a au contraire mis en lumière la nécessité de partenariats et mis en avant le rôle des entreprises”, a-t-elle ajouté. Pour Francesco Saverio Mele, coordonnateur du secteur Emploi de l’AICS (Agenzia italiana per la cooperazione allo sviluppo) Dakar, le projet d’Amref au Sénégal “a démontré que nous pouvons nous insérer dans un tissu social et économique existant, pour tenter d’atteindre ce qui est l’objectif principal de l’action de coopération internationale, à savoir la promotion d’un impact concret pour les populations sénégalaises”.
"Investir au Sénégal a été un véritable coup de pouce pour moi", déclare Yacine Diagne, entrepreneure et artisane à l'origine de Marram Arte (https://marram-arte.com), qui vise à donner de la visibilité à l'artisanat africain en Europe. Elle accompagne des artisans de différents pays africains dans la promotion de leur travail, en exposant leurs créations sur des stands éphémères à travers l'Europe. "J'ai grandi à Dakar, ma mère m'a transmis une grande passion pour l'artisanat. Aujourd'hui, je lance un projet qui allie la tradition du verre de Murano aux motifs des tissus africains. Je viens de la diaspora, mais je suis en Italie depuis 30 ans. J'ai étudié ici, puis j'ai choisi de retourner dans mon pays d'origine, avec le 'leg', l'héritage que tout ce que j'ai appris ici m'a laissé. Je voulais partager cette richesse avec mon pays d'origine", racconte Diagne en marge du salon Codeway Expo.
"Je voulais déconstruire le mythe répandu selon lequel l'artisanat et, en général, les produits africains sont de mauvaise qualité ou fabriqués de manière approximative. Je connaissais déjà des artisans qui travaillaient très bien, sans visibilité et avec peu de perspectives de développement. J'ai donc pensé à collaborer avec des coopératives et des créateurs individuels pour diffuser leur savoir-faire à travers le monde", explique l'entrepreneure d'origine sénégalaise. Son bagage personnel comprend l'héritage de sa mère, qui a travaillé dans les plus grands centres culturels, au Sénégal et ailleurs. Après avoir obtenu son diplôme, Yacine s'est installée à Bologne grâce à une bourse pour s'inscrire à la faculté de langues et littératures étrangères.
Aujourd'hui, 30 ans plus tard, elle a décidé de rapporter au Sénégal une partie du savoir-faire acquis en Europe. Elle commence à faire connaître l'artisanat de son pays d'origine lors de foires et d'événements, avec des expositions temporaires: articles ménagers, bijoux fantaisie, vêtements, accessoires et petits objets d'art. "La boutique, remarque-t-elle, est une forme assez restrictive. C'est pourquoi j'ai opté pour des boutiques éphémères, que j'ai implantées en France et en Italie, notamment à la librairie Lovat de Venise et de Trévise. Au fur et à mesure de ces expositions, ces deux villes nous ont offert des vitrines permanentes. Les autres espaces sont installés pour une semaine ou deux, et c'est une façon de comprendre l'accueil réservé au produit, par exemple à Paris, plutôt qu'à Francfort ou en Vénétie. Un produit qui ne rencontre pas de succès à un endroit peut très bien marcher ailleurs", explique encore l'artisane. "Marram Arte exprime l'amour d'un artisanat authentique qui raconte des histoires du quotidien. Ici, les créateurs partagent leur imagination extraordinaire à travers des œuvres capables d'émouvoir", lit-on sur le site de la marque fondée par Yacine Diagne.
Grâce au projet, assure Diagne, de nombreux artisans peuvent vivre de leur travail tout en restant chez eux avec leurs familles. Mais l'idée est avant tout de favoriser la contamination interculturelle: "Nous adorons le métissage - souligne l'entrepreneure - Nous collaborons avec des coopératives et des ateliers non seulement au Sénégal, mais aussi au Cameroun, en Côte d'Ivoire et au Mali. Et puis il y a l'Italie, toujours présente dans mon travail, par exemple dans mes collections de bijoux réalisés selon la technique traditionnelle du verre de Murano, mais inspirés des motifs et des couleurs du patrimoine africain". Les artisans qui collaborent avec Diagne sont organisés en coopératives "dans le respect de l'économie sociale et solidaire". Le projet "Invest in Senegal", conclut Amref, a impliqué plus de 50 entreprises, dont autant de membres de la diaspora sénégalaise en Europe, et a promu des chaînes de production durables, créant ainsi des emplois dignes et à long terme.