AGI - Les négociations pour aboutir à un traité global sur les plastiques sont en cours depuis hier à Genève, un dossier sur lequel l'Afrique réclame des engagements plus fermes. La reprise de la session, qui se déroule du 5 au 14 août, vise à finaliser et à approuver le texte du projet de traité sur les plastiques. Au bout de dix jours de tractations, le Comité intergouvernemental de négociation sera chargé d'élaborer un traité international juridiquement contraignant sur la pollution plastique, répondant aux appels à une action urgente pour faire face à une crise croissante qui menace les écosystèmes du monde entier. Une fois conclu, le texte sera présenté pour adoption lors d'une future Conférence diplomatique de plénipotentiaires. La réunion suisse - à laquelle participent plus de 3.700 délégués, dont des représentants de 184 pays et 619 organisations observatrices - fait suite aux précédentes négociations tenues fin 2024 à Busan, en Corée, à Punta del Este (2022), Paris (2023), Nairobi (2023) et Ottawa (2024).
Les pays africains, fortement touchés par les déchets plastiques malgré leur faible production, plaident en faveur d'un traité fort et équitable, qui donne la priorité à la réduction de la production de plastique et interdise les polymères et additifs chimiques nocifs. Bien qu'il ne produise que 5% du plastique mondial, le continent africain est aujourd'hui le deuxième le plus pollué par le plastique. Cette situation a été attribuée aux plastiques à usage unique et aux mauvais systèmes de gestion et de recyclage des déchets. A Genève les pays africains tenteront de parler d'une seule voix.
Malgré les alertes qui montent des sociétés civiles, l’utilisation du plastique devrait être multipliée par 6,5 en Afrique sub-saharienne devant l'Inde (x 5,5). Un demi-milliard de tonnes de plastique est produit chaque année, une quantité appelée à doubler en 2050 si rien n’est fait. Valeur de ce marché : 700 milliards de dollars annuels, en progression.
Au rythme actuel, les déchets plastiques tripleront d’ici 2060 pour dépasser le milliard de tonnes, selon un scénario largement cité. Aujourd’hui, la moitié est toujours enfouie et moins de 10% est recyclé. Le pétrole est le principal composé du plastique. Environ 6% alimente cette industrie et cette part devrait atteindre 20% d’ici 25 ans, et donc représenter 15% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La pollution plastique est une composante de la triple crise planétaire en cours, avec le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité, un triptyque infernal qui s’auto-alimente. Sans parler des conséquences sanitaires : les alertes se multiplient sur la contamination des êtres vivants.
S'exprimant lors de l'ouverture, la directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), Inger Andersen, a mis en garde contre les graves conséquences de l'inaction: “La pollution plastique est déjà présente dans la nature, dans nos océans et même dans nos corps. Si nous continuons sur cette lancée, le monde entier sera submergé par le plastique, avec des conséquences considérables pour notre planète, notre économie et notre santé humaine. Mais cela ne doit pas être notre avenir”.
Katrin Schneeberger, directrice de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) de la Suisse, a fait écho à cette urgence, qualifiant la pollution plastique de “défi mondial” exigeant des solutions immédiates et inclusives couvrant l'ensemble du cycle de vie du plastique, de sa production à son élimination. Des groupes de la société civile et des récupérateurs de déchets africains sont également présents à Genève, militant pour que le traité intègre des dispositions qui protègent leurs moyens de subsistance, garantissent une transition juste et responsabilisent les grandes entreprises productrices de plastique.
En République Démocratique du Congo, "les eaux, les lacs, les fleuves sont pollués et les particules de plastique qui restent dans ces eaux polluées sont à l'origine de plusieurs maladies, notamment chez les enfants", a notamment expliqué Robert Kitumaini Chikwan, directeur exécutif de l'ONG Solidarité Protection droits de l'enfant, devant le siège de l'ONU.
Le Kenya, le Nigéria, l'Afrique du Sud, l'Ouganda ou le Zimbabwe sont parmi les pays africains qui se sont le plus impliqués dans des projets anti-pollution plastique. En 2024, ces 5 pays ont uni leurs forces dans un nouveau projet visant à réduire les rejets de polluants organiques persistants issus des plastiques. Des produits chimiques aux propriétés dangereuses sont en effet ajoutés aux produits plastiques et rejetés tout au long de leur cycle de vie, ce qui a un impact négatif sur la santé humaine et l'environnement, et entrave les efforts de transition vers une économie circulaire. L'initiative, lancée à Nairobi et financée avec 90 millions de dollars, veut soutenir une approche visant à réduire l'importation, la production et l'utilisation de produits chimiques toxiques dans les produits contenant du plastique.
Les pays en pointe dans ce dossier sont bien identifiés: le Ghana préside le groupe de négociateurs; le Rwanda, qui co-préside la Coalition, a entre autres œuvré pour obtenir (en vain) un objectif chiffré de baisser de 40% de plastique sorti d’usine d’ici à 2040. Il représente l’Afrique au Bureau du Comité intergouvernemental avec le Sénégal. Ce dernier s’est distingué en plaidant fort pour un mécanisme de financement spécialement dédié pour la mise en œuvre du traité. Le pays de la Teranga a aussi élevé la voix sur le point très conflictuel du mode de prise de décision lorsque les discussions font du sur place. Cheikh Ndiaye Sylla répète à RFI ce qu’il avait clamé dès la 2e session de négociations : "Le consensus tue la démocratie parce qu’un pays ou deux peuvent se lever et dire qu’ils ne sont pas d’accord", enchaînant: "La position du groupe africain est claire : si on n’y arrive pas, on vote, à la majorité des deux-tiers".